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Pourquoi et comment un nouveau livre sur le Tao ? |
Pourquoi donc un nouvel ouvrage sur le Daode Jing, texte déjà le plus traduit au monde ? Eh bien d’abord parce qu’il est là, tout comme l’Everest était là pour George Mallory.(1) Le Daode Jing n’est certes pas la seule montagne de sagesse dont il est possible d’entreprendre l’ascension mais rares sont les textes qui atteignent, en si peu de mots – 5000 caractères chinois environ – un tel sommet de profondeur. Ensuite, parce que le texte majeur du taoïste demeure invaincu. En dépit de milliers de tentatives depuis plus de deux millénaires, la voie vers le panorama ultime reste à tracer. Lao Zi avait prévenu au chapitre 70 : « Mes paroles sont faciles à comprendre [...] pourtant personne au monde ne les comprend » Il s’adressait alors à ses contemporains chinois. Autre époque, autres mœurs, autres cultures, autre langue, comment un Occidental peut-il sérieusement prétendre comprendre le Daode Jing et à fortiori le Tao ? La lecture du Daode Jing est une aventure sans cesse renouvelée qui génère généralement plus de questions et de frustration qu’elle ne procure de réponses. Même lorsque les versions sont bien basées sur le texte chinois – certaines versions sont des traductions de traductions, variantes intellectuelles du téléphone arabe, d’autres de poétiques élucubrations d’auteurs ne comprenant rien au chinois – la plupart des ouvrages ajoutent encore au « mystère des mystères », plongeant la montagne taoïste dans un épais brouillard. « Le Tao Te King de Lao-Tseu, est rédigé dans un style extrêmement énigmatique et son langage concis, puissant et très poétique cherche à suspendre l’esprit du lecteur et à lui faire quitter les sentiers battus du raisonnement logique. » écrit Fritjof Capra dans son Tao de la physique. Certes mais le Daode Jing de Lao Zi (2) est surtout écrit en chinois ! La nature polysémique des idéogrammes, la simplification extrême de la grammaire chinoise (un même caractère peut désigner à la fois un nom, un verbe ou un adjectif, un singulier ou un pluriel, un passé, un présent ou un futur, etc.), l’absence de ponctuation, l’évolution du sens de certains caractères ainsi que les différentes versions du texte original permettent de multiplier les traductions à l’infini. Le Tao, comparable à l’eau, prend la forme des récipients qui l’accueillent. Une traduction du Daode Jing – le choix, pour un idéogramme donné, d’un sens plutôt que d’un autre – aura donc nécessairement la forme du traducteur… et c’est pourquoi il ne s’agira pas du Tao ! « Un livre d’analogies tel que le Tao Te King est de la poésie : il évolue en fonction de votre état d’esprit, de votre compréhension, de votre maturité. Ce livre n’est pas un livre mais un phénomène vivant, un trésor à chérir. Sa lecture est le travail de toute une vie. » écrit Osho dans son Absolute Tao. Certes mais le Daode Jing présente néanmoins des perspectives concrètes pour une qualité de vie tendant vers la spiritualité. Cheminer sur la voie du Tao, c’est en effet reprendre contact avec sa nature et envisager un autre paradigme du rapport aux autres et au monde, dépasser notamment notre insidieuse obsession de la performance, de la croissance, de la raison et du progrès. C’est, en accordant un peu de place au vide, en se plaçant en retrait par rapport à un certain nombre de mythes et de préjugés que l’on accèdera à un espace de liberté et de sérénité. On étudie ainsi moins le Tao qu’on ne se découvre soi-même. On le conceptualise moins qu’on ne le vit. Parti en quête de son essence, on ne finit pas de trouver des sens au Tao ! Gravir le Tao, ce n’est donc pas tant viser le sommet que d’arriver à marcher en se concentrant sur la route, sur chacun de ses pas, dans la joie de l’instant présent. C’est aussi descendre en soi, renverser son regard vers l’intérieur afin de redécouvrir ce que nous devrions tous être : en harmonie avec notre nature. Notes: (1) Lorsqu’un journaliste lui demanda pourquoi il souhaitait escalader l'Everest, George Mallory répondit « because it’s there (parce qu’il est là) », New York Times, 18 mars 1923. (2) A l’exception du mot Tao entré dans le langage courant, nous présentons le texte chinois en Pinyin, tel qu’utilisé par la République Populaire de Chine depuis 1958 : le Tao Te King de Lao-Tseu devient ainsi le Daode Jing de Lao Zi. |
C'est suite à une retraite de méditation, pour fêter mes 40 ans, que je décidais de m'atteler à une traduction du Daode Jing de Lao Zi. Je l'avais lu à plusieurs reprises durant ma "jeunesse" - et un peu étudié aux Langues O - mais, si j'en avais bien perçu quelques fulgurances, j'étais globalement resté sceptique devant la profondeur du texte et la complexité des traductions. J'avais repris contact avec le Tao via le personnage du Mendiant philosophe, développée dans Le Mendiant et le Milliardaire, qui n’était pas sans rappeler la figure du sage taoïste. A la croissance et à l’accumulation, Lao Zi répond par la simplicité et par le vide; au bruit et à la foule, il propose le silence et la réflexion; à la rigidité et à la force, il oppose la souplesse et la faiblesse. Surtout, à une vision binaire, prédatrice et mécaniste du monde, Lao Zi oppose l’Unité fondamentale, la coopération et la biologie. Tout cela reflétait mes propres préoccupations et réflexions... L'œuvre ne faisant que quelques 5 000 caractères, je me donnais dix ans pour mener ce projet à bien. Je n'avais pas alors très bien anticipé la richesse du travail à fournir... En effet, non seulement les
traducteurs n'étaient pas tous d'accord entre eux mais je compris
qu'il y avait matière à faire parfois mieux et à proposer une
version moderne et compréhensible du Tao. Dès lors, afin de ne pas
être taxé de "grand n'importe quoi", il convenait non seulement
d'analyser chaque caractère chinois de manière rigoureuse mais aussi
de se rapprocher des autres grands textes de la spiritualité...
qui disent tous peu ou prou la même chose! |
Même si l’agilité requise peut venir au fil des pas, au fur et à mesure des caractères, une ascension du Daode Jing ne s’entreprend pas sans quelques précautions, un bon équipement et une démarche rigoureuse. Du côté des précautions pour ne pas se perdre dans le brouillard, une connaissance suffisante des caractères du Chinois, du caractère des chinois et de la Chine: Langue étudiés notamment aux Langues O à Paris, peuple dépeint dans l’essai 1,2 milliard de martiens十二亿火星人 publié en Chine en 2004 et pays présenté via une soixantaine de localités sur le site www.passplanet.com aujourd'hui disparu. Côté équipement, l’ensemble des traductions disponibles en français, les commentaires des auteurs qui se sont donnés la peine d’en faire et quelques versions anglaises complèteront les autres textes taoïstes et de nombreux textes de sagesse ou de spiritualité. La Vérité est unique, ses voies innombrables… Côté démarche, nous présenterons d’abord une traduction mot-à-mot des caractères chinois ainsi que les variantes principales des autres traductions. Nous tenterons ensuite de donner du sens à chacune de ces phrases avant d’oser proposer une nouvelle version, choisissant alors la version la plus originale, concise et moderne possible. Notre projet n’est donc pas d’enfermer le Tao dans une énième interprétation mais de descendre au cœur du texte original pour en percevoir les sens et l’essence. Chaque lecteur trouvera matière à affiner sa compréhension du Tao et pourra, s’il le souhaite, tracer sa propre voie. Le revers d’une telle approche est qu’elle requiert du temps et de l’espace considérables. Nous nous limiterons ainsi à l’étude des trois premiers chapitres. Pourquoi trois ? « Le Tao engendre Un. Un engendre deux. Deux engendre trois. Trois engendre toutes choses. » (42). De ces trois chapitres découle en effet plus ou moins le reste d’un texte par ailleurs parsemé de répétitions. Le premier chapitre, de loin le plus fondamental, socle de l’ensemble de l’œuvre, véritable guide spirituel, traite du Tao, de sa nature insaisissable et de notre relation à lui, fonction de notre état d’esprit ou, plus exactement, de "non-esprit". Le second chapitre, beaucoup plus concret, traite de la relativité de toutes choses et des illusions de la division – œuvre du mental – avant de décrire quelques manifestations du Sage taoïste et notamment sa Non-action légendaire. Le troisième chapitre, sans doute le plus corrosif de l’œuvre – ainsi que l’objet du plus grand nombre de contre-sens – permet de comprendre pourquoi le confucianisme s’est imposé en Chine au détriment du taoïsme : Lao Zi y critique ni plus ni moins que l’Etat ! Une analyse contemporaine permet aussi d’y déceler une remise en cause radicale du système néolibéral et de ses manipulations consuméristes… Le Tao, le Sage et le Système. Se pencher avec attention sur ces trois textes permettra-t-il de lever ensuite les yeux au ciel pour contempler la montagne taoïste dans toute sa profondeur ? Ce qui est sûr est qu’il serait illusoire de continuer la lecture sans avoir saisi la portée et les sens de ces chapitres.
Globalement, ces trois
chapitres – dépoussiérés de l’ego des traducteurs et du poids des
traditions – permettent aussi de saisir la
stupéfiante modernité du texte. En dépit d’une datation
comprise entre le VIe et le IIe siècle av.
J-C., nous sommes en effet seulement en train de percevoir à quel
point la dualité, la fragmentation et la mécanicité du monde, non
seulement sont contradictoires avec les découvertes de la physique
quantique quant à la réalité de la nature, mais qu’ils nous
conduisent à une impasse écologique et sociale. Il faut faire un
avec la montagne pour espérer arriver au sommet. Il nous faudra
reconnaître l’uniformité biologique du monde pour espérer faire face
aux défis de notre siècle. Le XXIe siècle
suivra le Tao ou ne précèdera pas grand chose ! |
Du 16 janvier 2011 au 8 avril 2013, j'ai publié sur le blog www.daodejing.fr, phrase après phrase, ma proposition de traduction et de commentaires des 11 premiers chapitres du Daode Jing de Lao Zi. Vous trouverez dans Evolution les premières phrases des chapitres 4, 5 et 6 tels que présentés sur le blog. L'idée initiale était d'initier un mouvement de réflexions et de commentaires autour du Tao mais cet objectif n'a pas été rempli, le blog ne recevant finalement que peu de commentaires par rapport au nombre de visiteurs... Je me suis en outre vite rendu compte que le Daode Jing était parsemé de répétitions et qu'il serait donc plus intéressant de se concentrer, de manière exhaustive, sur les trois premiers chapitres. Les Sens du Tao
toutefois va naturellement au-delà et cite quantité d'autres
passages du Daode Jing, les plus importants, permettant au
lecteur d'en avoir une vision à la fois globale et extrêmement
précise. |
Le texte original de Lao Zi est présenté, traduit et commenté phrase après phrase… pour autant que l’on puisse définir ce qu’est une phrase dans un Daode Jing ne comportant pas de ponctuation ! La présentation générale observe la structure suivante : 道 可 道 非 常 道. Présentation du texte en chinois simplifié, tel qu’utilisé en République Populaire de Chine. dào kě dào fēi cháng dào Présentation du texte en Pinyin (utilisé par la République Populaire de Chine depuis 1958), remplaçant progressivement en Occident la transcription de l’Ecole française d’Extrême-Orient (EFEO) ou le vieux système Wade-Giles (datant de 1859, modifié en 1892) qui, sur cette première phrase, aurait donné ceci : tao k’o tao fei ch’ang tao. 道 [dào] est formé de la clé 辶 [chuò] qui signifie mouvement ou marche... Traduction et explication (si besoin) de chaque caractère chinois. Un même caractère ayant parfois plus d’une dizaine de sens possibles (nom, verbe, adjectif et/ou adverbe), les possibilités de traduction du Tao sont infinies ! Le Tao que l'on peut énoncer/ prononcer/ exprimer/ expliquer/ saisir/ tracer/ définir, qui… Présentation des différentes traductions existantes avec une séparation (Trad.1, Trad.2, Trad.3) lorsque les sens sont clairement différents, ce qui est assez fréquemment le cas! « Le Tao qu'on tente de saisir n'est pas le Tao lui-même » (Liou Kia-hway) Présentation des traductions qui ont ma préférence… ce qui ne signifie pas qu’il s’agisse nécessairement de la meilleure traduction dans l’Absolu du Tao ! « Le sens que l’on peut exprimer n’est pas le sens éternel.» (Richard Wilhelm, Étienne Perrot) Présentation des traductions qui me semblent être des contresens ou des interprétations… ce qui ne signifie pas qu’il s’agisse nécessairement de la plus mauvaise traduction dans l’Absolu du Tao ! L’intérêt de cette section est de continuer à questionner le texte et favoriser la réflexion. Le tao exprimable n'est pas Le
Tao Perspectives spirituelles La lecture d'une soixantaine d'ouvrages de textes spirituels m'a fait prendre conscience de leur similitudes avec les messages du Tao. Une centaine de citations permettent ainsi d'élargir ses horizons tout en réalisant que, si les voies sont multiples, la Vérité est unique! Vivre le Tao ? Chaque phrase se termine par une section
pratique pour vivre le Tao au quotidien. Un certain nombre de
réflexions autour de mes précédents écrits sur le thème du
contentement personnel, de l’obsession de la performance ou des
manipulations. Une ouverture sur le monde moderne et les défis du
XXIème siècle. Un appel à un changement de paradigme et à la remise
en cause du système, dans la perspective d’une société tournée vers
les hommes, la souplesse et la vie... |
Globalement, Les Sens du Tao est ainsi un ouvrage unique disposant de plusieurs niveaux de lecture. Tout comme la montagne, ce livre possède plusieurs voies d’accès, de la plus simple à la plus personnelle. Il est conseillé de profiter d’abord du chemin avant, si vous le souhaitez, de vous arrêter sur chacune des pierres. Jusqu’à
défricher votre propre voie ? Vous avez en effet tout l’équipement
nécessaire pour faire résonner - plutôt que raisonner - les
caractères chinois en vous, méditer sur les sens du Tao et accéder
ainsi au panorama ultime : le vôtre ! |
Disponible dans toutes les bonnes librairies
Le mendiant.fr
Auteur & Consultant Ecologique / Benoît Saint Girons /
Tél: +41 76 532 8838 /
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