LE REVENU DE BASE INCONDITIONNEL (RBI)
Cette idée a été soumise le 5 juin 2016 à tous les citoyens suisse (initiative populaire).
Malheureusement, elle a été tellement mal présentée qu'elle se retrouve injustement caricaturée.
Résultats ?
Selon Le Matin du 6/6/16, "L'idée d'un revenu de base versé à tous n'a pas du tout séduit les Suisses. La majorité des cantons a clairement rejeté dimanche cette initiative populaire lancée par un comité de citoyens sans appartenance politique. Le texte n'avait pu compter que sur quelques soutiens à gauche. Le peuple a refusé l'instauration d'un revenu de base par 76,9%"
Est-ce étonnant vu la manière dont a été présentée l'initiative ?
Ce qui est étonnant est la réaction de certains... « On est très contents », a ainsi déclaré dimanche à l'ats Ralph Kundig, coordinateur romand des initiants, rappelant que ces derniers sont partis « de très loin ». C'est ce même M. Kundig qui m'avait si curieusement répondu lors de mes interrogations...
Bref, sont-ils vraiment parti de "très loin" ou ont-ils plutôt réussi à éloigner encore davantage - et pour un bon moment - les citoyens de cette belle idée ?
« Je suis convaincue qu'avec une préparation sérieuse, l'initiative aurait pu ouvrir une plus large discusssion et aurait été plus largement soutenue », a déclaré Mme Leutenegger Oberholzer, conseillère nationale (PS/BL).
C'est une évidence: sans l'incompétence du Comité d'initiative dans la présentation du financement, il y aurait pu y avoir un véritable débat plutôt que cette grossière caricature (voir article ci-dessous). Une honte... et un drame!
Article adressé à la presse le 19 mai 2016:
RBI : une bonne idée torpillée par son mode de financement ?
L’idée d’une allocation universelle versée sans conditions fait son chemin dans les esprits mais la proposition de RBI (Revenu de Base Inconditionnel) Suisse, telle qu’elle est présentée, pourrait la discréditer durablement. Quand le BIEN (Basic Income Earth Network), une fois de plus, se transforme en MAL…
L’idée de base est révolutionnaire : tous les citoyens reçoivent sans contrepartie une allocation mensuelle correspondant, soit au seuil de pauvreté soit, comme c’est le cas en Suisse, à un niveau suffisant « pour couvrir les besoins de base et permettre la participation à la vie sociale » Le niveau suggéré par l’initiative est de CHF 2500.-
Ce revenu est normalement « universel » mais, selon le mode de financement présenté par le comité d’initiative, ces 2500.- viendraient en déduction des salaires… et cela change tout !
Que se passerait-il si, du jour au lendemain, chaque citoyen touchait 2500.- de plus mensuellement ? La consommation serait immédiatement relancée, la croissance bondirait et le franc suisse – face à cette création de liquidité soudaine (qui en pratique ne coute rien sinon le courage de faire « tourner la planche à billets ») – perdrait immédiatement sa surévaluation. Aucun travail ne serait en outre menacé, chacun souhaitant naturellement augmenter son pouvoir d’achat le temps de financer ses désirs ou de rembourser ses dettes. Le risque d’inflation serait enfin limité par la concurrence transfrontalière et le e-commerce mondial. Bref, n’en déplaise aux partisans de la décroissance – dont je fais partie – que du bonheur !
Une fois la frénésie de consommation passée, le citoyen retouchera terre : il faut bien payer ses impôts (que le RBI contribuera à augmenter puisque l’on touchera plus annuellement !) et s’interroger sur le sens de son pouvoir d’achat et de sa vie. Avec plus de pouvoir, il sera déjà possible de faire le choix de la qualité : qualité suisse plutôt que chinoise, alimentation bio plutôt qu’industrielle, etc. Surtout, le choix de continuer ou non son travail se posera selon que celui-ci est constructif ou destructeur, valorisant ou stressant, choisi ou imposé.
Les emplois pénibles devront peut-être être un peu mieux rémunérés (un ajustement de bon sens) mais, tant qu’ils seront perçus comme utiles à la société, la nature humaine devrait continuer à les pourvoir en main d’œuvre : n’est-il pas tout aussi valorisant de nettoyer un trottoir ou un parc que de vendre des aliments nocifs ou des gadgets polluants ? A terme, les emplois seront naturellement réorientés vers ce qui fait sens et créée une réelle valeur pour la société, ce que redoutent évidemment tous ceux pour qui stress et frustrations représentent un meilleur fonds de commerce…
L’éducation, l’entreprenariat, les vocations artistiques et l’humanitaire seront valorisés au point que l’effort ne sera bientôt plus considéré comme une ressource mais une richesse humaine ! Les conditions de travail globalement s’amélioreront et le management deviendra nécessairement plus respectueux.
Tout le monde touchant au minimum la même chose, ce sera également la fin de la stigmatisation des chômeurs et autres bénéficiaires d’allocations, chacun devenant enfin libre de choisir sa vie et le niveau de sa « simplicité volontaire ».
Un rêve ? Le financement présenté par l’initiative suisse conduit en effet à un réveil brutal! Les salariés gagnant plus de CHF 2500 non seulement ne toucheront rien de plus mais ils devront en outre supporter le risque du financement du RBI via une augmentation probable de la TVA et/ou des impôts ! Comme l’écrit la FER, il y aura « beaucoup plus de perdants que de gagnants » !
Un cauchemar ? L’allocation universelle semble en effet s’être transformée en un assistanat supplémentaire où les salariés mal payés ou à temps partiel quitteront leurs emplois pour ensuite travailler au noir… La perspective d’une vraie liberté de choix a fait place à une incitation à l’irresponsabilité !
Comment en est-on arrivé là ? J’ai posé la question à l’association BIEN-Suisse et obtenu les réponses surréalistes suivantes :
– « Les Fr. 2'500.- ne sont pas déduits des
salaires et je serais curieux de savoir quelle est votre
source d'information (url) ? »
– Euh, c’est vous qui l’écrivez dans le livret de présentation officiel : « le
revenu de base remplace une partie du revenu existant »
– « Dans la brochure fédérale, les initiants n'ont droit qu'à 1 page A5 pour
leurs arguments. De ce fait, il leur était impossible de détailler l'idée d'un
financement substitutif. C'est pour cela qu'ils ont fourni des liens vers nos
sites internet. »
Aussi surprenant que cela puisse paraître, non seulement ce qui est présenté n’est qu’une suggestion de financement (sans que cela ne soit précisé nulle part sur la page!) mais, pas de chance, il a fallu que les initiants choisissent justement la plus dangereuse et caricaturale pour l’initiative ! Incompétence ? Dogmatisme ? Naïveté de croire que les citoyens auront le temps ou l’envie de se rendre massivement sur leur site pour démêler le vrai du faux ?
Il apparait ainsi incroyable de devoir rappeler que le montant du RBI et son mode de financement sont laissés à l’initiative du Parlement : « la loi règle notamment le financement et le montant du revenu de base ». Les citoyens votent pour le principe, les politiques affinent la mesure avec leur pragmatisme légendaire…
Mais pour le moment, les puissants se frottent les mains : les citoyens ne vont retenir que le mauvais financement suggéré et vont donc rejeter l’initiative pour de mauvaises raisons : parce qu’ils n’aiment pas le « marcel » et en ont assez de l’assistanat! Le RBI semble être décrédibilisé pour un bon moment…
Pour le militant de l’allocation universelle que je suis, une telle perspective est évidemment désespérante. Alors que cette idée devrait être sérieusement envisagée par tous les pays à l’aulne de la déliquescence du modèle libéral (migration, chômage, pollutions, violence et précarité en hausse constante) via un mode de financement international (et pourquoi pas cette fameuse taxation sur les transactions financières ?), tous noteront que les Suisses ont rejeté l'initiative et que cette question n'est donc plus à l'ordre du jour...
L’enfer reste décidément pavé des meilleures intentions et, une fois de plus, le BIEN a débouché sur le MAL… A moins que ? Soyons (très très) optimistes : mieux vaut tard que jamais et les quelques semaines qui restent vont permettre de réparer la casse et de rehausser le débat ! Correctement informés, les citoyens vont naturellement avoir à cœur de soutenir le RBI et de faire circuler les messages anti-manipulations suivants :
« Non, il ne sera pas nécessaire de porter le "marcel" pour bénéficier du RBI ! »
« Oui, les citoyens peuvent changer de paradigme et redevenir les rois décisionnaires du système ! »
« Oui, la Suisse peut donner l’impulsion à un mouvement de fond en faveur de l’homme, de sa dignité et de ses rêves ! »
Frat’airnellement,
Le Mendiant
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